
Un soir d’août 2021, Lola Lafon pousse la porte d’un immeuble de la capitale néérlandaise qui, dans une toute autre vie, aurait pu être un immeuble quelconque, mais qui est devenu malgré lui un lieu de mémoire. Mémoire de la grande Histoire, mémoire d’une nation, d’une famille, d’une jeune fille. Lola Lafon y passera une nuit, puis rédigera Quand tu écouteras cette chanson, un très beau livre paru un an plus tard chez les éditions Stock.
Lola Lafon se prépare à la rencontre minutieusement, en lisant de nombreux livres, essais, témoignages, en discutant avec les historiens ou témoins de l’époque. Elle approche Anne Frank avec beaucoup de respect et pudeur, se déplace dans cet immeuble tel un visiteur respectueux, en pantoufles feutrés.
Elle nous parle d’Anne Frank sous différents angles, s’attarde sur Anne Frank – autrice. L’autrice de son journal, de son oeuvre qu’elle écrivait pour qu’elle soit lue. Ainsi, le livre de Lola Lafon devient également un livre sur la création, l’écriture.
Mais pas que. Depuis l’histoire de la famille Frank, l’autrice fait face à l’histoire de sa propre famille, ses racines, du poids à porter, de ce que signifie être survivant, immigré, exilé…
Le lundi matin, ils redevenaient des étrangers à l’accent prononcé, choisissaient leurs mots avec attention, le soin de ceux qui n’ont pas les mots du pays dans lequel ils vivent. Etre français était une tâche de tous les jours, de chaque instant ; leur nuit, elle, échappait à ce devoir, par la grâce d’un petit cachet blanc.
Lola Lafon s’envole encore plus loin, quittant la Shoah pour d’autres horreurs – avec l’histoire de Charles Chea, son livre devient universel, donnant la voix à toutes celles et tous ceux qui dérangeaient (ou dérangent), que ce soit par leur physique, leurs connaissances, leur religion ou tout simplement par leur existence en tant que telle.
Avec Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon a su nous offrir un magnifique livre, profond, intime, touchant, un de ces livres qu’on a envie de relire, prêter ou offrir.
Bernard Pivot régnait sur les vendredis soir de ma grand-mère. Il mettait fin à toute conversation téléphonique – je raccroche, il y a Apostrophes. Elle s’émervaillait, ils venaient à elle, Nabokov et Kundera, elle les rencontrait, Duras et Truffaut. la France d’Apostrophes palliait celle des voisins qui prononçaient son nom de famille avec suspicion.
Et tandis que la quatrième de couverture présente Anne Frank comme une jeune femme que « tout le monde connait« , le journal Le Monde a publié ces jours-ci un article constatant que 23% des milléniaux pensent que l’Holocauste est un mythe, 54% des Néerlandais ignorent que la Shoah a fait six millions de victimes, un tiers de 25-35 ans dit ignorer qu’Anne Frank est morte dans un camp de concentration (article écrit par Jean-Pierre Stroobants, paru dans Le Monde le 27 janvier 2023).
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ; on pourra dire qu’on ne savait pas que faire de ce qu’on savait. On pourra dire l’impuissance qui nous saisit, qui nous écrase, plus on sait et moins on peut. Ce dont on est témoin est semblable à une question qui nous serait adressée. Nous pouvons choisir de l’ignorer.
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Quand tu écouteras cette chanson, de Lola Lafon. Stock, 2022, 180 p.
Ce livre a été lu dans le cadre des Lectures communes autour de l’Holocauste.
Un superbe livre, qui va plus loin qu’on pense. Vraiment très fort.
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Bien plus qu’un livre sur Anne Frank, je suis d’accord.
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Un titre qui ne me tentait pas au départ, mais tous ces avis positifs de lecteurs très recommandables ont fini par me faire changer d’avis… et le fait d’avoir visité la maison d’Anne Franck, dont je garde un souvenir très net, doit sans doute rendre la lecture d’autant plus prégnante..
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Je suis pratiquement sûre que le livre te plairait 🙂 J’espère que tu auras l’occasion de le lire bientôt.
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J’ai bien envie de lire ce livre.
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Surtout n’hésite pas !
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J’ai lu ce livre très récemment, il m’a vraiment remuée et émue. Lola Lafon dresse un portrait très vivant et très beau d’Anne Frank. Et puis elle rend hommage aux victimes des totalitarismes, quand elle parle de son ami Charles Chea. Merci de cette chronique !
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Les avis sont unanimes, ça ne m’étonne pas !
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J’ai aimé tout ce que j’ai lu de Lola Lafon, sa façon d’écrire. Ce titre-là rejoindra ma bibliothèque ( avec une version récente du Journal d’Anne Franck lu il y a trop longtemps )
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C’était mon premier roman de Lola Lafon mais sûrement pas le dernier, c’est sûr et certain !
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Un titre que j’espère bien lire prochainement.
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Bonne lecture 🙂
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j’ai lu beaucoup de belles critiques de ce livre.
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N’hésite pas si tu le vois à la bibliothèque.
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Lola Lafon était l’invitée de La Grande Librairie, au moment de la parution de ce roman. Elle s’est attardée sur le rapport d’Anne Franck à l’écriture. Son autobiographie n’est pas seulement un journal intime ; le texte a été travaillé pour être lu.
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Exactement.
Je vais vérifier s’il est possible de voir cette émission en replay. Merci !
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Je crois que ce livre sera le plus présenté, après Le pain perdu, dans ces lectures communes, et c’est tant mieux car, à vous lire (toi, Dominique et d’autres), c’est visiblement un titre qui rappelle et approfondi l’importance de penser à Anne Frank et à ce qu’elle représente en tant qu’écrivaine, fille, victime et surtout en tant que symbole de quelque chose qu’il ne faut pas oublier. L’extrait du Monde n’est pas du tout rassurant – et ce alors même qu’on parle tant du devoir de mémoire! Peut-être même plus que jamais.
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Oui, quand on voit ce sondage, on se rend encore plus compte de l’importance de ces témoignages ou romans.
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Je suis d’accord avec Passage à l’Est l’article du monde est effrayant et terrible
on a l’impression d’irréalité
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Les chiffres font frémir…
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Merci de me donner le goût de lire ce bouquin Eva. J’espère publier ma chronique d’ici vendredi pour les lectures communes autour de l’holocauste.
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Coup de coeur
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