
On a pu faire connaissance avec Jurica Pavičić grâce à la sortie de son livre L’eau rouge dont l’histoire tourne autour de la disparition d’une jeune fille, ce qui a permis à l’auteur de brosser un portrait éclairant sur la Croatie des 30 dernières années. Dans son deuxième livre traduit en français, La femme du deuxième étage, l’auteur affine son champ d’investigation et aborde davantage des problèmes plus intimes, au sein d’une famille à priori quelconque… En résulte un roman très intéréssant sur les méandres de la vie.
La première rencontre entre le lecteur et Bruna se fait dans un endroit peu accueillant. En effet, Bruna est incarcérée après avoir commis un crime grave. Ici, elle est rattachée à la cuisine où elle s’occupe des repas pour les prisonnières. Cela fait maintenant 11 ans que ses journées s’enchaînent avec une monotonie prévisible. Mais son quotidien est-il vraiment aussi éloigné de celui d’autrefois ?
Depuis maintenant quatre mille jours, le monde minuscule de Bruna se résume à des couloirs de béton, une cellule, un réfectoire et des espaces de stockage à l’entrée de la petite ville de Slavonie. Bruna tourne de jour en jour dans ce microcosme comme un hamster dans une roue. Et elle retournera encore ainsi pendant cinq semaines.
On était alors en 2006, quand Bruna, très jeune, fait la connnaissance de Frane. Ils se marient et comme sa belle-mère Anka habite seule dans une maison à deux étages, la solution pratique au problème d’habitation s’impose naturellement : Frane et Bruna aménage au deuxième étage. Commence alors pour Bruna une cohabitation pénible et de plus en plus écrasante. Bruna, que la vie n’a pas endurcie comme c’était le cas pour Anka ; Bruna docile, qui ne joue pas des coudes pour s’interposer ; Bruna seule, car son mari est à la mer et sa mère essaie de refaire sa vie avec un nouveau compagnon; mais aussi Bruna très patiente et systématique…
Habilement, Pavičić dissèque ces relations, le cheminement vers l’irréparable, le regard pesant des autres pour lesquels les Šarić sont devenus un fait divers dont on discute dans un café.
Personne ne croyait au destin tragique d’une femme qui avait un étage à elle de quatre-vingts mètres carrés pour s’étaler. Ils l’avaient déjà condamnée. Elle était la belle-fille fatale et elle le resterait. Pour tout le monde – pour les journalistes, le public et les juges, peut-être même pour la juge aux cheveux bruns – elle était la belle-fille serpent du conte de La forêt de Stribor. Si humble, si belle, si douce – jusqu’à ce que soudain une langue frétillante de vipère lui sorte de la bouche.
Pavičić reconstruit très bien la vie de cette famille banale dont la plupart ne se distancie que par le fait de ne pas avoir figuré dans la rubrique des faits divers. L’éducation, les coups imprévus du destin, les caractères ou les mauvais choix… L’auteur déroule le fil lentement comme s’il s’adaptait aux heures interminables de la vie de Bruna (que ce soit dans sa « prison » chez Šarić ou dans la vraie à Požega), prenant pour le fil rouge la cuisine à laquelle Bruna s’adonne tous les jours et qui constitue un échappatoire, une activité dont elle est enfin reine. Bruna qui épluche des pommes de terre, qui mijote, qui assaisonne… c’est l’image d’elle que je vais retenir.
Même si j’ai déjà beaucoup apprécié L’eau rouge (qui vient d’ailleurs sortir en poche), j’ai quand même une préférence pour La femme au deuxième étage que j’ai trouvé encore plus empathique.
Lu aussi par Claudialucia.
En conclusion :
X Achetez ce livre chez votre libraire
X Empruntez-le dans votre bibliothèque
Lisez autre chose
La femme du deuxième étage, traduit du croate par Olivier Lannuzel. Agullo, 223 pages, 2022.

Lecture dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.
J’avais moi aussi apprécié « L’eau rouge » et tu donnes envie de découvrir celui-ci.
J’aimeAimé par 1 personne
Je pense que c’est un livre qui pourrait te plaire 😉
J’aimeAimé par 1 personne
deuxième tentation à propos de ce livre la question est : vais-je y résister ?
J’aimeAimé par 1 personne
Il te faut peut-être une troisième tentation ?
J’aimeJ’aime
Pour ce mois, pas possible, mais j’ai encore quelques provisions…
J’aimeAimé par 1 personne
L’auteur était présent au salon du livre de poche d’octobre dernier qui se tient près de chez moi, et a évoqué ce titre en insistant sur ces cohabitations familiales qui sont fréquentes en Croatie. En attendant que celui-ci sorte en poche, j’ai lu L’eau rouge (billet à venir..).
J’aimeAimé par 1 personne
Tu as de la chance de l’avoir rencontré ! Ces cohabitations ont sûrement leur côté pratique mais il faut beaucoup de diplomatie car la vie quotidienne peut devenir bien compliquée. Ce roman le montre très bien.
J’aimeJ’aime
Je découvre cette autrice et tu me donnes sacrément envie de la lire ! J’aime bien les méandres …
J’aimeAimé par 1 personne
Un auteur à découvrir !
J’aimeJ’aime
Encore une belle suggestion de lecture Eva! Merci beaucoup.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Nathalie 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Comme toi, je préfère La femme du deuxième étage même si j’apprécie l’eau rouge. Pavicic est vraiment une belle découverte !
J’aimeJ’aime
Je suis d’accord avec toi 🙂 Je vais ajouter le lien vers ton billet.
J’aimeJ’aime