
Le Printemps des Artistes organisé par La bouche à oreilles est une occasion privilégiée pour moi de mettre en avant des livres touchant à l’art au sens large. Je me réjouissais donc de choisir un livre, L’effroi, de François Garde, que j’avais repéré de longue date sur un blog ami, Luocine. Le personnage principal est altiste et s’appelle Sébastien Armant, et sa vie va être transformée d’un jour à l’autre à la suite d’un concert très particulier…
J’aurais aimé ne vous parler que de musique.
J’aurais aimé vous parler de musique parce que depuis l’âge de dix ans elle m’accompagne, me fait grandir et me fait vivre. Non pas au centre de ma vie, mais au-dessus, comme une étoile indifférente à mes ambitions, insensible à mes désarrois, toujours présente.
Malheureusement, pour Sébastien Armant, ce ne sera pas le cas… Revenons au début du livre : notre altiste participe à un concert, le 20 avril, dirigé par le grand chef d’orchestre Louis Craon. L’oeuvre qui doit être jouée est Cosí fan tutte, et le concert est retransmis à la télévision. Alors que les musiciens attendent le signal de départ, Louis Craon lève le bras droit et prononce un retentissant « Heil Hitler » devant des musiciens médusés.
Je ne pouvais pas avoir mal entendu. Mes yeux confirmaient ce que mes oreilles refusaient de croire. J’étais paralysé : je venais de découvrir l’effroi.
Quelques secondes se passent, et Sébastien Armant se lève et tourne le dos au chef. Comme l’indique la quatrième de couverture, « il ne se doute pas alors que ce geste spontané et presque involontaire, immédiatement relayé par les médias, fera basculer son existence ». S’il est un temps accusé par le directeur de l’opéra d’avoir pris une intiative malheureuse, ce dernier finit par adouber son geste qui fait la une des journaux, sentant que cela peut porter sa carrière. Sébastien Armant est partout dans les journaux, invité sur les plateaux télévision ; c’est tout un système qui se met en place autour de lui et qui le dépasse :
Ne vous méprenez pas. Peu importe ce que j’en pense. Dans l’opinion publique, vous avez créé en trois jours cette image incroyablement positive. Dans toute ma carrière, un peu longue déjà, j’ai rarement rencontré une notoriété, une sympathie aussi rapides et consensuelles. C’est un atout inestimable – ou, si vous préférez, un capital. D’où ma question : qu’allez-vous en faire ? (….) Votre célébrité n’arrive pas par hasard. Vous vous inscrivez dans une grande tradition française : le rebelle, l’homme ordinaire qui refuse et déclenche une révolution. La prise de la Bastille, Gavroche, la Commune, la libération de Paris, mai 68. Notre histoire se régale de telles figures. Vous nous en offrez une version condensée et épurée, en quelques secondes.
Néanmoins, cette notoriété n’est pas du goût de chacun, qu’il s’agisse des collègues de l’orchestre, ou encore d’un groupuscule de l’extrême-droite qui mène une campagne de dénigrement contre l’altiste et l’oblige à avoir la protection de la police.
Le livre se lit avec avidité. Il constitue une critique de notre société de communication et du spectacle, qui est capable de porter aux nues (et d’utiliser) une personnalité, avant de la laisser tomber. C’est ce que résume de façon franche la policière chargée de l’enquête sur ceux qui s’en prennent à Sébastien quand ce dernier s’étonne de ne pas avoir plus de protection :
Question de moyens. Votre cas a été sensible pendant quinze jours. Vous étiez alors dans l’actualité brûlante, et toute agression envers le héros du 20 avril aurait eu un retentissement exceptionnel. Mais ce temps est fini. L’opinion publique vous a oublié. Vous ne passez plus à la télé. L’enjeu politique a disparu.
Certes, la fin est un peu sommaire, et l’on peut se poser la question de la vraisemblance d’une telle histoire – à savoir s’il fallait attendre qu’un musicien se levât dans la fosse quelques secondes après le salut nazi pour qu’une réaction se dessine enfin. Cela n’en reste pas moins une bonne lecture, que je vous recommande :
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L’effroi, de François Garde. Folio, 2018, 368 pages.

Au fur et à mesure, je me disais, mais je l’ai lu! Hé bien oui, pas étonnant j’aime l’auteur, mais plus vraiment de souvenirs…
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Ce n’est sûrement pas le roman qui marque le plus le lecteur mais j’ai trouvé le thème très intéressant et bien traité. Merci pour ton commentaire !
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J’avais beaucoup aimé ce roman et ton billet me fait revivre ce livre que j’avais un peu oublié. Merci pour le lien
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Je me souviens très bien de ton billet qui m’avait poussé à mettre le livre immédiatement sur ma liste. Merci pour ce conseil !
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Bonjour Patrice. Je note cette participation pour le bilan. Ce livre a l’air excellent, le sujet est vraiment intéressant. Je n’ai pas bien compris si c’était une fiction ou un récit historique ? En tout cas cette histoire me plaît. Merci et bonne soirée !
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Merci Marie-Anne, toujours heureux de participer au mois thématique :-). C’est une fiction qui m’a apporté un bon moment de lecture ; je recommande !
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C’est une histoire contemporaine ou historique ? Parce que cette réaction n’a pas la même portée en 1942 ou en 2022… Et si c’est actuel, c’est tout l’orchestre qui aurait du se lever, et les spectateurs aussi…
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C’est une histoire actuelle. Tout à fait d’accord avec toi sur la réaction. C’est ce que je signale à la fin du billet. Comment penser qu’un tel geste ne suscite pas une réaction du public et qu’il faille attendre qu’un musicien se lève après quelques secondes. Je suppose que l’auteur voulait trouver un point de départ à son histoire.
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Si je comprends bien, son attitude aura fait couler beaucoup plus d’encre que l’art musical – ainsi va souvent l’actualité médiatique.
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Exactement, c’est toute cette « mousse médiatique », éphémère, qui s’impose plus que la musique, et cela est bien rendu dans le livre.
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j’aime bien les piqures de rappel, je l’avais noté chez Luocine et puis il est descendu sur ma liste, hop je vais le remonter de plusieurs places
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C’est toujours le plaisir que j’ai en visitant les différents blogs – j’ai mon carnet où je note des titres intéressants et j’essaie d’en lire un de temps en temps. Bonne lecture à toi 🙂
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Sans mépris de ma part, ça à l’air d’être une excellente lecture de plage : dont les pages se tournent toute seule ! Mais qui changent peut-être pas un monde littéraire intérieur !
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D’accord sur l’apport littéraire, mais il vaut mieux que ça :-). J’ai beaucoup aimé la façon dont est décrit l’enchainement médiatique puis l’oubli. Je suis sûr que, si tu le lisais, tu aurais plus de plaisir que pour « La réparation du monde », par exemple 🙂
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Oui, je pense aussi ! (en même temps, ça ne serait pas trop difficile hihi)
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Je n’avais pas été enchantée par son premier titre Ce qu’il advint du sauvage blanc … J’avais trouvé l’écriture prétentieuse. Je ne sais pas comment expliquer cet adjectif mais c’est celui qui me vient. A lire les extraits, je retrouve cette impression.
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