
Pour vous apporter un peu de fraîcheur en cet été, je vous emmène aujourd’hui dans les forêts denses de Suède. C’est ici qu’Unni a trouvé refuge avec sa famille après avoir fui sa Norvège… On suit son incroyable destin et celui de sa descendance dans ce premier roman de Lina Nordquist, élu meilleur roman suédois en 2022 et intitulé Celui qui a vu la forêt grandir.
En grattant un peu, peut-être que ces beaux moments se trouvaient quelque part, comme une vieille confiture de framboises couverte de moisissure, mais d’un rouge toujours aussi éclatant sous la surface.
Divisés en chapitres qui alternent sous les titres Unni et Kara, l’histoire est portée par deux personnages féminins, l’un très différent de l’autre. Menacée, après avoir pratiqué des avortements, Unni quitte le pays avec quelques affaires et son petit garçon, Roar. Elle ne s’aventurerait probablement pas seule mais elle est épaulée par Armod avec lequel l’unit un amour inébranlable. Nous sommes alors en 1897 et la petite famille parvient à s’installer dans une cabane abandonnée après avoir signé un contrat peu avantageux et aux conséquences lourdes avec un fermier.
Nous avions beau nous escrimer, ruisselant de sueur sous la chaleur et les muscles courbaturés, la terre ne se laissait pas dompter. La terre, ça ne se transforme pas comme ça. Alors que nous, nous nous étions déjà transformés, non pas par envie, mais par nécessité. Les crottes d’élan, la surelle, les corps d’animaux à moitié dévorés, les oiseaux déployant leurs ailes au soleil. Tout ça nous appartenait sans appartenir à personne.
Rien ne leur est donné, ils construiront leur vie avec labeur et beaucoup de sacrifices, dès l’aube jusqu’au coucher du soleil, trouvant un peu de répit uniquement quand la nature disparaît sous une couche de neige. Cette nature qui leur montre deux faces : elle les sauve de la famine en leur offrant des fruits à cueillir, des animaux à chasser, en leur procurant des plantes pour se soigner, mais les pousse quelques mois après entre la vie et la mort en leur ôtant tout lors d’un hiver interminable ou une période de sécheresse. Unni est une héroïne incroyable et ses efforts pour survivre, sauver ses enfants et soi-même d’une mort de la faim n’ont pas de limites.
Quand la nourriture manque, même les objets se taisent.
Kara, qu’on retrouve au début des années 70, contraste avec la force d’Unni. Kara subit (mais n’est pas aussi passive que ce que l’on croit !), se tourmente, exposée à toutes ses angoisses et démons. A un moment de sa vie, Dag a croisé sa route et l’a littéralement cueillie comme une framboise, l’a emmenée chez lui dans la cabane… Roar, les forêts avoisinantes et la maison isolée sont ce qui lie les vies de Kara et Unni.
Ce plancher qui craque nerveusement dès qu’un inconnu nous rend visite, alors que, au contact de pieds familiers, il se contente de marmonner. Sous le poids de Dag, le bois poussait un soupir, et Bricken est toujours accueillie par un léger crépitement qui ressemble à un murmure. Lorsque Roar y posait le pied, le plancher riait. Je n’ai jamais songé à ce qu’il me réservait. Un bruit trompeur, j’imagine.
Celui qui a vu la forêt grandir fait partie de ces livres qui vous font traduire laborieusement des sites internet du suédois pour voir si l’auteure travaille sur un autre roman et qui vous font relire d’autres avis positifs de lecteurs en hochant la tête avec satisfaction. Il s’agit d’un roman traitant des sujets tels que la condition féminine, les conditions de vie en Suède au tournant du XIXème et XXème (frappant par sa pauvreté déjà si bien décrite dans La saga des émigrants). Un thème ressort tout particulièrement – celui de la dépendance sous toutes ses formes. Mettant en scène des personnages inoubliables tels que Unni et Roar, l’histoire se caractérise par de magnifiques passages (très bien traduits) sur la nature, faisant des forêts des témoins silencieux de nos bonheurs et peines pendant les siècles écoulés…
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Celui qui a vu la forêt grandir, de Lina Nordquist. Traduit du suédois par Martina Heide. Buchet Chastel, 2023, 446 pages.
Difficile de résister à tant d’enthousiasme, d’autant que j’ai effectivement eu d’autres échos très positifs au sujet de ce roman.
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Je t’imagine parfaitement hocher la tête avec satisfaction, un grand sourire aux lèvres 😊 Et peu importent les détracteurs, je suivrai ton conseil les yeux fermés!
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C’est très agréable de lire un tel billet. Que la vie est dure pour ceux qui doivent vivre du travail de la terre.
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j’aime le nord et le froid, j’aime ce type de roman donc pour moi c’est noté immédiatement je ne le lirai pas cet été j’ai déjà fait mon programme de lecture mais qu’importe il sera sur ma liste
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Comme Sacha, après avoir lu ton avis enthousiaste par rapport à ce livre, j’ai juste envie de m’y plonger. Merci Eva pour cette belle découverte!
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