Et si on bouquinait un peu ?

Quand un académicien actuel, Amin Maalouf, nous parle de tous les académiciens qui l’ont précédé sur le fauteuil Nr 29 de l’Académie Française, cela nous donne un livre des plus réjouissants ! Un fauteuil sur la Seine nous propose de revisiter l’histoire de France d’une manière différente, en nous contant les destins de ses prédécesseurs. Une très belle occasion de redécouvrir certains personnages célèbres (comme Renan ou encore Montherlant) ou moins connus (Pierre Flourens et tant d’autres).

Quelle histoire que celle de l’Académie Française ! A l’origine, c’était juste une idée d’écrivains amis pour se retrouver, qui se trouvera récupérée ensuite par le pouvoir. Créée officiellement en 1634 par Richelieu, elle avait pour but de défendre la langue française à une époque où le latin était encore très présent (à cet égard, le second titulaire du fauteuil était un ecclésiastique qui ne s’exprimait qu’en latin).

Si Amin Maalouf nous parle des hommes élus (les titulaires étaient tous masculins) au fauteuil Nr 29, il est intéressant de voir que des personnages illustres y furent retoqués. Ainsi, on préférera élire un avocat de 23 ans à la place de Corneille. En fait, cela se passait après la mort de Richelieu, et ce dernier exécrait l’écrivain. Il lui faudra attendre 2 ans et ½ pour être enfin accueilli dans l’institution. De même, Pierre Flourens fut élu en 1840 au lieu de Victor Hugo (candidat pour la 3^ème fois). Cette élection tactique révèle néanmoins un des aspects permanents qui marquent les élections : l’adaptation à l’ère du temps. Florens travaillait sur l’anesthésie. Si, dans les premières années de l’Académie, les religieux sont omniprésents, ils céderont ensuite la place aux représentants des Lumières, aux héritiers de la Révolution et de l’Empire, aux scientifiques… Cela montre bien que l’Académie Française est loin d’être « hors du temps », elle est davantage un baromètre de ce qui était important à l’époque.

Que dire des Immortels du fauteuil Nr 29 ? Tous ne le sont pas ! Certains étaient très célèbres à leur époque et disparurent ensuite (Quinault), d’autres connurent un destin inverse (François de Callières). Celui qui était au service de Louis XIV fut ainsi remis à l’honneur 200 ans après sa mort, car il considérait dans son livre « De la meilleure manière de négocier avec les souverains » que la guerre était seulement un ultime recours.

On y trouve également des religieux, comme le Cardinal Fleury, précepteur et mentor de Louis XV, bon gestionnaire qui redresse les comptes du pays ; des poètes comme Florian, à l’origine de fables et d’expressions restées dans la langue française « Rira bien qui rira le dernier » – « pour être heureux, vivons cachés » ; ou encore des destins tourmentés comme celui de Joseph Michaud, incarcéré 11 fois, 2 fois condamné à mort et qui écrivit une monumentale Histoire des Croisades. Ou encore Claude Bernard, un élève moyen qui se passionne pour le théâtre (et auquel l’académicien Girardin conseilla de garder cela pour les loisirs), qui finira par révolutionner la médecine et sera le 1^er savant à avoir des funérailles nationales.

Arrêtons-nous désormais sur Renan. Je vous invite à relire ci-dessous ses propos sur la nation, qui restent profondément d’actualité (« Qu’est-ce qu’une nation » – 1880) :

Dans toute l’Europe, et notamment en France, les nationalismes allaient se faire de plus en plus arrogants, assourdissants et simplificateurs. Renan n’a pas voulu se plier à leur logique raciale, ou même ethnique. Une nation, disait-il, « c’est une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. »

Amin Maalouf nous rappelle également les querelles qui ont suivi la publication de « La vie de Jésus » ; Renan avait alors présenté Jésus comme un homme, ce qui lui avait attiré un grand nombre de critiques. Obligé de quitter le Collège de France, il fut surnommé par le pape « Le blasphémateur européen ».

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les autres académiens, notamment les plus récents. Pour satisfaire votre curiosité, je vous conseille avec plaisir la lecture de ce livre, riche, drôle, instructif !

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Lisez autre chose

Un fauteuil sur la Seine, d’Amin Maalouf. Quatre siècles d’histoire de France. Le livre de poche, 352 pages, 2017.