Si vous avez l’occasion de prendre l’autoroute en Allemagne et de passer près d’Ansbach (à proximité de Nürnberg en Bavière), vous verrez sur le bord de la route un panneau signalant que cette ville est celle de Gaspard Hauser. Cela montre bien l’importance du personnage, dont la notoriété dépassa largement cette région. Qui fut-il ? Pour l’apprendre, je vous invite à lire sans plus attendre le roman que lui consacra l’écrivain allemand Jakob Wassermann.
Il convient tout d’abord de dire quelques mots sur Jakob Wassermann. Je ne connaissais pas du tout cet écrivain. Or, en faisant quelques recherches, je me suis rendu compte qu’il fit partie des écrivains de langue allemande les plus lus de son époque. Né en 1873 en Allemagne, et mort en 1934 en Autriche, celui qui fut l’auteur d’une vingtaine de romans était ami avec Rainer Maria Rilke et Thomas Mann. D’origine juive, il dénonça la montée des nazis qui brûlèrent ses ouvrages. Son premier grand succès fut le roman que je vous présente aujourd’hui (paru en 1908), mais la célébrité du romancier ne s’affirma vraiment que vers la fin des années 20, avec la parution d’un autre titre, L’Affaire Maurizius. Saluons au passage l’initiative d’Archipoche qui ressort quatre de ses livres en 2023.
Venons-en maintenant à Gaspard Hauser, surnommé l’orphelin le plus célèbre d’Europe. Il fit son apparition dans les rues de Nürnberg en 1828. Sachant à peine parler, craignant la lumière du jour et de se tenir debout, il avait pourtant une quinzaine d’années, ne savait qu’écrire son nom et dire qu’il voulait être cavalier comme son père. Rapidement, son origine intrigue et elle est à la base de nombreuses supputations ; selon l’une d’entre elles, il aurait été enfermé pour des raisons de succession, mais il serait en fait l’héritier putatif de la couronne de Bade. Dans son livre, Jakob Wassermann nous décrit les cinq dernières années de la vie de l’orphelin qui s’éteignit en 1833.
Après avoir été recueilli, il est mis en prison… On s’interroge sur son histoire, qui ne semble pas crédible. Il est finalement libéré, et recueilli, tout d’abord chez le docteur Dauner, puis chez plusieurs autres personnes de la société bourgeoise de Nürnberg puis d’Ansbach. Son enfermement physique est remplacé par un enfermement moral. Il est victime de la sécheresse du coeur des personnes qui l’hébergent, chacun suivant ses propres principes, l’utilisant à ses propres fins, n’écoutant jamais le jeune homme en quête d’identité et d’écoute.
Parallèlement à cela, il semble au coeur d’un plan visant à le supprimer, ce qui renforce encore le mystère… Le président de la cour d’appel d’Ansbach, Feuerbach, protecteur du jeune homme, sera le premier à émettre des hypothèses sur l’origine princière de Gaspard. Même s’il est attaché à lui, on sent dans son témoignage, qu’il n’est également pour lui qu’un instrument :
J’ai des preuves, milord, des indices terribles ; je peux punir, je tiens la foudre et peux provoquer l’orage. Tout est fixé par moi et réuni en un document spécial ; on le sait, on ne me poussera pas à l’extrême, car je suis décidé à tout pour sauvegarder le bien précieux dont, devant Dieu et les hommes, je suis le gardien. Toutefois, j’attendrai ; les grandes choses exigent de la patience. Mais on n’éloignera pas Gaspard : il est l’arme vivante et le témoin dont j’ai besoin et qu’il me faut toujours à portée de main. En le perdant, je perdrais le fondement de ma dernière oeuvre, oui, je le sens bien, de la dernière, et tout espoir de me faire entendre serait perdu. Et vous, qu’attendez-vous ? Vous êtes pour la générosité, moi pour la justice.
Wassermann est un grand romancier qui nous tient en haleine dans ce très beau livre. Il nous fait percevoir précisément les peurs, les souffrances, les espoirs, la naïveté également de Gaspard Hauser.
Un livre à découvrir en :
X l’achetant chez votre bouquiniste
X l’empruntant dans votre bibliothèque
lisant autre chose
Gaspard Hauser ou la paresse du coeur, de Jakob Wassermann, traduit de l’allemand par Romana Altdorf. Archipoche, 2023, 416 pages.
Et si on bouquinait un peu ? 
J’ai lu dans ma jeunesse « l’affaire Maurizius » je ne m’en souviens plus du tout. Sauf de l’ambiance un peu lourde. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de relire cet auteur.
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Et moi qui je réjouissais de découvrir « L’affaire Maurizius » ! Je ne pensais pas qu’il était si connu en France, félicitations en tout cas !
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Le nom de Gaspard Hauser m’évoque bien quelque chose mais c’est très superficiel. J’aime l’idée de cette vision intime de ce jeune homme, mais la dureté qu’il a visiblement rencontrée partout me fait me dire qu’il faudra que je choisisse bien mon moment pour le lire. Trouvaille très intéressante en tous cas !
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Merci beaucoup pour ton commentaire. J’ai aussi trouvé que c’était une belle découverte. On est frappé par le manque d’empathie qui entoure le jeune homme, on imagine ses souffrances, c’est finalement très triste.
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Comme Luocine j’ai lu l’affaire Maurizius dans mon adolescence et je m’en souviens très bien car les romans sur la justice n’étaient pas fréquent à l’époque
je connaissais mais de façon très superficielle l’histoire de G Hauser aussi comme toi je trouve réjouissant qu’un éditeur ressorte les livres d’un auteur un peu trop oublié
merci à toi cela va me donner l’occasion de me rajeunir un rien
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Merci beaucoup pour cet avis, Dominique. Je suis toujours impressionné par le nombre de livre que tu as lus :-). Tout à fait d’accord avec toi, c’est une excellente nouvelle de voir de tels livres réédités. A bientôt !
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Pour ma part, je découvre l’auteur comme son sujet grâce à cette chronique.
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Ca me fait très plaisir d’être à l’origine de découvertes !
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Ce pauvre garçon a été assassiné je crois… j’ai un ou deux livres à son sujet. Un jour, ou plutôt un mois de novembre, j’arriverais à les lire ! Je note le nom de cet auteur en tout cas, qui a l’air très intéressant.
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Tu as une bonne mémoire ! Note-le pour le mois de novembre 2024, ça nous permettra de continuer à en apprendre un peu plus sur Gaspard Hauser.
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Auteur, livres, cela m’évoque quelque chose, c’est sur.
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Les grandes lectrices sont au courant de tout 🙂
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Lu il y a quelques années, je n’en garde pas un souvenir impérissable : je n’avais pas aimé le style.
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J’ai trouvé pour ma part que cela se lisait très bien, est-ce que tu te souviens de ce qui t’avait gêné dans le style ?
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Sans doute trop allemand pour ma façon de penser et de lire.
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J’ai lu ce livre il y a très longtemps, lire ce billet me le remémore car il m’a beaucoup marquée.
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Je pensais (naïvement) que la plupart des lecteurs / lectrices ne connaisseraient pas ce livre ou cet auteur, mais je constate que je me trompe. C’est une histoire triste, on se dit qu’enfin un coeur va s’ouvrir et que la compréhension va s’installer, mais en vain.
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Bonne idée que de revenir à Wassermann, je viens de télécharger l’Affaire Maurizius
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Bonne lecture par avance ! J’hésitais entre les deux titres, mais comme l’Affaire Maurizius comprend plusieurs tomes, j’ai préféré Gaspard Hauser. Mais je pense le lire un jour aussi. Tu veux le chroniquer en novembre ? 🙂
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J’ai découvert cet auteur récemment avec une chronique sur » L’Affaire Maurizius ». Je suis assez tentée, mais j’ai du mal avec cet éditeur qui est réputé pour les traductions anciennes…
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