Ernst Wiechert – Les Enfants Jéromine

WiechertPrusse-Orientale. Début du XXème siècle. Dans un petit village de l’Empire allemand, dont le nom « Sowirog »  signifie en slave « Le coin aux chouettes », les saisons se succèdent, marquées par le travail et la religion. Des sept enfants Jéromine, Jons Ehrenreich part en ville pour étudier la médecine, dans le but de revenir servir les siens dans son village. Le roman Les Enfants Jéromine est considéré comme le chef d’oeuvre d’Ernst Wiechert et relate la vie du village et l’éducation du jeune Jons dans le contexte de la première moitié du XXème siècle. 

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Avant de parler davantage du livre et de ses 1100 pages, attardons-nous sur l’auteur, Ernst Wiechert. Né en 1887 en Prusse-Orientale, il reçut une éducation chrétienne et fit preuve d’un fort attachement à la nature, deux caractéristiques que l’on retrouve pleinement dans Les Enfants Jéromine. Il fut interné plusieurs mois à Buchenwald durant l’année 1938 pour des propos qualifiés d’hostiles au régime et mourut en Suisse en 1950.

Si Jons occupe une part essentiel du roman, le village de Sowirog, fondé par les Chevaliers Teutoniques, et sur lequel veille le seigneur von Balk, y est sans cesse au premier plan :

On retourne les chaumes, les geais ramassent leur provision d’hiver, les fanes de pommes de terre brûlent dans les champs. Les vents d’automne reviennent, la neige tombe, l’année avancée s’achève, une année nouvelle commence. Mais le village est immuable. Et s’il vient une autre guerre, et si l’ennemi incendie les maisons, on les reconstruira sur le même emplacement. (…) Ils ne lisaient pas de journaux et ce qui se passait dans le district ou dans le monde ne venait à leur connaissance que par la bouche de l’instituteur, qui était leur Moïse dans le désert.

Élève doué, encouragé par Mr Stilling, l’instituteur, Jons part à la ville étudier, afin de « remuer le monde ». Il y rencontre notamment un étudiant en médecine, Jumbo, qui voulait « adoucir le sel de la terre » et qui l’orientera vers l’étude de la médecine. Mais si Jons se distingue rapidement de ses condisciples par son intelligence et ses connaissances, il refuse de faire carrière et revient exercer comme simple médecin de campagne à Sowirog.

Celui qui préfère « le coin aux Chouettes » à une chaire professorale est grand à mes yeux, car nous avons désappris de vivre pour les autres. Les jeunes surtout l’ont désappris.

Ainsi s’exprime le docteur Lawrenz, qui lui-même possède une clinique pour les indigents et qui aida Jons à s’établir.

Une galerie de personnages attachants et profonds s’offre ainsi au lecteur. La simplicité de Kiewitt, un paysan attaché à son lopin de terre, le dévouement de l’ancien instituteur Stilling qui a épargné durant toute sa vie pour permettre à un de ses élèves (en l’occurrence Jons) de faire des études, ou encore la bienveillance du seigneur von Balk, donnent une tonalité très humaniste au texte. Leur force morale s’oppose à la montée du nazisme, à laquelle on assiste vers la fin du roman, et qui vient rompre le caractère immuable de ce village.

Eloge de la simplicité, de l’honnêteté, du dévouement, marqué par la pensée chrétienne, Les enfants Jéromine est aussi une vive critique de la guerre et du nouveau régime qui conduira au second conflit mondial :

Que les hommes fussent tués parce que quelques-uns d’entre eux le voulaient, ce n’était pas le sens de la vie. Et ce n’était pas non plus le sens de la mort. Son sens était qu’elle apparût quand l’astre était au zénith, et que le mince croissance sombre entamait doucement sa lumière. Elle venait pour accomplir et non pour détruire. Elle n’était qu’un simple moissonneur, avec une simple faucille, et seuls les hommes l’avaient multiplié par dix, par mille.

Malgré une écrite très poétique, je n’ai pas considéré ce roman comme un coup de coeur lors de la lecture mais à la différence de beaucoup d’autres, il laisse une trace forte, il est une invitation à réfléchir sur le sens de la vie. Laissons le dernier mot à Jons, via une phrase qui résume l’ambition louable qui fut la sienne :

Loin de la « grande » justice, des ruisseaux et de l’ombre du grand rocher, un petit, un humble travailleur laborieux, un serviteur fidèle.

Je vous conseille au final :

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lisez autre chose

Les Enfants Jéromine, d’Ernst Wiechert, traduit de l’allemand par F. Bertaux et E. Lepointe. Le livre de poche, 2016, 1128 pages.

Cette lecture s’inscrit dans le cadre du défi littéraire d’août de Madame lit, consacré à la littérature allemande, ainsi que du challenge Voisins Voisines 2018 et du Challenge Pavé de l’été 2018 organisé par Sur mes brizées.

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12 réflexions sur “Ernst Wiechert – Les Enfants Jéromine

  1. Madame lit 19 août 2018 / 16:35

    Titre noté pour mon bilan d’août. Je n’ai jamais lu de roman de cet écrivain. Mais des écrivains qui nous amènent à réfléchir sur le sens de la vie, j’adore. Merci pour la découverte en ce mois allemand!

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    • Patrice 24 août 2018 / 20:24

      Merci à toi pour le mois allemand. Il me reste un troisième titre à chroniquer en août (deux titres italiens sont déjà prêts pour septembre :-))

      Aimé par 1 personne

  2. luocine 19 août 2018 / 20:01

    Que de souvenirs ! J’ai lu ce livre dans ma jeunesse et j’avais beaucoup aimé. Je le relirai volontiers.

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    • Patrice 24 août 2018 / 20:24

      Heureux d’avoir pu réactivé de beaux souvenirs :-). C’est en effet un livre qui laisse une trace.

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  3. Brize 20 août 2018 / 07:17

    Jusqu’à présent, je n’ai pas osé approcher cette œuvre pourtant renommée (je ne sais pas pourquoi mais j’ai peur de m’y ennuyer …), mais ta chronique et le commentaire de Luocine m’inciteront à le faire.

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    • Patrice 24 août 2018 / 20:23

      Et merci pour l’initiative des pavés qui m’a donné enfin le coup de pouce nécessaire pour lire ce livre !

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  4. lcath 20 août 2018 / 08:14

    Inconnu pour moi mais je suis très tentée de le lire.

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    • Patrice 24 août 2018 / 20:22

      Heureux de t’avoir donné cette piste de lecture par conséquent !

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