
Après quelques livres de langue allemande, je me suis tournée vers une nouveauté française signée par Laurine Roux. L’auteure a déjà trois livres à son actif et son dernier, intitulé L’autre moitié du monde, nous transporte en Espagne des années 30 ce qui annonce d’ores et déjà une histoire mouvementée…
La peur doit changer de camp.
Ce roman a récemment reçu le Prix Orange du Livre 2022, attribué depuis plus de 10 ans à un livre français de la rentrée littéraire d’hiver – vous pouvez d’ailleurs trouver tous les lauréats et finalistes, choisis par un jury composé de lecteurs, des auteurs et des libraires, et présidé par Jean-Christophe Rufin, sur le site lecteurs.com. Et attention, une petite surprise vous attend à la fin de ce billet…
L’auteure nous amène dans le delta de l’Èbre – l’endroit est si richement décrit qu’on s’y sent véritablement embarqué sans y avoir posé le pied au préalable. Les odeurs, les plantes, les animaux… l’écriture très imagée (la victoire embaume aussi fort que le thym) est marquée par de nombreux détails naturalistes sans pour autant gêner la fluidité de la lecture. Au contraire, le style d’écriture contribue à ce que nous nous sentions au plus près des paysans qui y ont grandi et qui travaillent dans les rizières.
Un peu plus tard, elle aperçoit la silhouette de son père au bout du chemin, allumette carbonisée dans les orangés du soir. Juan porte son baluchon sur l’épaule, son corps ploie à force de se pencher pour curer les digues, labourer les parcelles, les herser et y repiquer les touffes de riz. Toya le regarde avancer. Elle aime son ossature forgée par la besogne, sa casquette un peu de biais qui dit, Je fais ce que je veux, sa peau tannée, son œil gauche plus fermé que l’autre, ce léger dépôt de sel sur sa barbe.
Au premier plan se retrouve Toya, une jeune fille de 12 ans. Son côté sauvage se marie bien avec la nature environnante, elle grandit au grand air, sans fréquenter l’école ; on dirait un oiseau qui vole entre sa maison et la cuisine du château où sa mère est employée comme cuisinière. Aux odeurs de la nature s’ajoutent donc les odeurs de délicieux mets qu’elle y prépare.
Toya ôte sa jupe qui empeste le poisson. Elle reste jambes nues, peau rôtie par le soleil. Puis elle prépare du pan con tomate, des tranches de pain frottées d’ail et de tomate qu’elle arrose d’huile d’olive, et mâche sans fermer la bouche, c’est le meilleur.
Le château et les terres font partie de la propriété de la famille Ibañez – une famille riche composée par la Marquise dona Serena, son mari don Ignacio et leur fils Carlos, l’un plus répugnant que l’autre. Les humiliations, la violence, le traitement dignes du Moyen-Âge marquent le quotidien des paysans, et font écho au mouvement qui parcourt tout le pays. Petit à petit, les esprits généralement si calmes s’échauffent jusqu’au moment où un évènement tragique accélère le tout…
Des idées ? Chez ces gens ? Sa mère déraisonne, même les chimpanzés ont plus de jugeote. Elle n’est pas d’accord. Son trésor manque parfois de mesure. Les paysans, elle les connaît. Ce ne sont pas des génies, soit, mais pas exactement des singes non plus. Certains l’ont étonnée ; ils avaient de ces raisonnements quand ils réclamaient des miettes de ceci ou de cela ! On aurait dit qu’ils philosophaient.
Après les premières pages où j’étais certes attirée par la langue poétique et un style d’écriture original, mais légèrement inquiète en raison des descriptions de la nature et d’innombrables mots en espagnol, je fus par la suite absolument captivée par l’histoire. Le début un peu lent souligne en effet le côté paisible du paysage et de la vie des paysans qui seront progressivement attirés, suite aux évènements locaux et nationaux, sur une route menant à l’enfer. On a l’impression que les phrases s’accélèrent et que les mots se bousculent par la suite.
Certains allégueront que les événements se produisent quand ils sont mûrs. Ce matin, c’était une grenade pleine à craquer de jus ; il a suffi d’en effleurer la peau pour qu’elle explose.
C’est un livre très émouvant qui m’a beaucoup marquée par ses thèmes : l’amour de la terre et la force avec laquelle les paysans y étaient attachés, de même que leur lutte pour les lendemains meilleurs. Il éclaire sur l’affrontement inévitable entre deux visions du monde opposées que l’Espagne et d’autres pays ont connu au XXème siècle, la création des syndicats, l’émancipation, l’idéalisme et la tradition. Et pour être complet, c’est aussi une histoire d’amour et d’adolescence d’une jeune fille dans un pays qui bascule.
CONCOURS : Une bonne nouvelle pour la fin : Patrice, en tant que l’ancien juré du prix Orange, a la possibilité de vous faire gagner un exemplaire de L’autre moitié du monde, édité chez les éditions du Sonneur. Pour y participer, laissez-nous un petit commentaire sous cet article avant le 15 août. Le 16 août, nous ferons le tirage au sort et le / la gagnant(e) recevra le livre directement de la part d’Orange. Bonne chance !
(pour maximiser vos chances, vous pouvez également participer sur notre compte IG sous la photo de L’autre moitié du monde)
LES RESULTATS DU CONCOURS :
Miriam Panigel gagne « L’autre moitié du monde ». Félicitations !
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A ne pas lire
L’autre moitié du monde, de Laurine Roux. Editions du Sonneur, 2021, 255 pages.
Je crois que j’ai acheté son premier roman (un truc au pôle nord) mais celui-ci a l’air bien également. Et puis j’aime bien l’Espagne. Alors je note ce titre.
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À ce que j’ai pu lire, l’auteure a changé de registre, donc les deux romans sont très différents.
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Comme ce roman est à ma bibli (donc on emprunte, on rend, étagères soulagées ^_^) je laisse leur chance aux autres!!
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Merci Keisha ! Par contre, n’hésite pas à l’emprunter 🙂
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Pas de compte IG pour moi, mais je tente ma chance ici, d’autant plus que cette période de l’histoire espagnole me passionne.
J’ai été très marquée, il y a 5/6 ans, par le documentaire « Les silence des autres » qui évoque cette époque, et surtout la manière dont les atrocités du franquisme ont été occultées après 1975 (suite à cet abominable Pacte du silence = on a libéré les prisonniers politiques en échange de l’impunité pour les franquistes, qui ont tranquillement continué à mener leur vie, parfois dans la même rue que ceux qu’ils avaient torturés, voire à exercer au pouvoir).. un film bouleversant.
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C’est très révoltant, je suis absolument d’accord avec toi ! Je note le documentaire, merci 🙂
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Bonjour Eva ! J’avais lu un roman de Laurine Roux qui ne m’a pas trop enchantée malgré une jolie écriture. Pas sûre de vouloir retenter cette écrivaine…
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Je te comprends, j’ai aussi du mal à donner une deuxième chance aux auteurs ! Je ne connais pas ses deux précédents livres mais apparemment elle a complètement changé de registre.
Bonne journée Marie-Anne
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Je n’ai toujours pas lu l’autrice, et pourtant les avis sont enthousiastes. Ce titre-ci m’attire particulièrement pour une première lecture par son contexte. J’y viendrai.
( je recommande aussi le documentaire que cite d’Ingannmic ).
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Si tu es intéressée par cette période de l’histoire espagnole, ce livre pourrait bien te plaire. Ceci dit, ce n’est pas un livre particulièrement joyeux…
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Je ne connaissais pas cette autrice Eva. Alors, je te remercie pour cette découverte!
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Avec plaisir ! Je pense que tu apprécierais son style d’écriture 🙂
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Super! 🙂
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Je ne connais pas du tout cette actrice. Pourquoi pasce livre qui me transportait en Espagne ?
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J’apprécie beaucoup les romans sur fond historique même si en général ces histoires ne sont pas très joyeuses.
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Lire autrice et non pas actrice c est encore un tour du correcteur orthographique
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Bonjour Miriam, tu as gagné le roman de Laurine Roux, félicitations ! 🙂 Pourrais-tu m’envoyer tes coordonnées par mail, s’il te plaît ? (notre adresse est dans À propos) Merci.
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Je connais mal l’histoire de l’Espagne, même si j’ai commencé à lire quelques livres de sa littérature. Je retiens ce titre.
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Moi non plus, je ne connais pas très bien l’histoire de l’Espagne…
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j’étais très attirée par le sujet ayant déjà beaucoup lu sur l’Espagne mais j’ai nettement moins accroché qu’avec son premier roman qui m’avait beaucoup plu
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Je comprends – si tu as déjà beaucoup lu sur ce sujet, la lecture n’est sûrement pas la même.
Tu as lu la dystopie ?
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J’ai lu les deux romans précédents de l’auteure, très différents de celui-ci. Je les ai aimés tous les trois. Elle a une écriture remarquable.
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hello !! je viens du concours d’instagram et je trouve ce post super intéressants !!
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Je ne connais pas non plus très bien l’histoire espagnole mais je suis très friande de romans historiques ou avec en toile de fond l’Histoire. Ton coup de coeur/dépression littéraire m’intrigue donc beaucoup.
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J’ai adoré moi aussi, une belle réussite et tellement différent des autres livres de l’autrice !
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Merci pour le cadeau! j’ai beaucoup aimé amis je vais avoir du mal à rédiger un billet après le tien
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