Karel Čapek – Hordubal

Je vais vous parler aujourd’hui d’un auteur dont le nom vous est bien familier, mais le titre l’est probablement un peu moins. En effet, Karel Čapek s’est imposé dans le monde littéraire hors des frontières de son pays avec des titres comme (entre autres) La guerre des salamandres, La maladie blanche ou encore avec ses carnets de voyage (par exemple Voyage vers le nord). Et comme le printemps arrive, les libraires mettent volontiers en avant L’année du jardinier. J’ai néanmoins choisi une autre lecture : Hordubal, afin de vous présenter une autre facette de l’auteur.

Hordubal est le premier tome de la trilogie noétique écrit en 1933. En France, il a été édité par L’âge d’homme, dans la collection Classiques slaves ; il en est de même pour les tomes suivants (en français sous les titres Une vie ordinaire et Le météore). La version française de Hordubal est presque introuvable (il faut aller voir les bouquinistes) contrairement par exemple aux versions allemandes ou néerlandaises, souvent munies d’une couverture moderne et même de la mention (mensongère) thriller ! Je l’ai pour ma part lu en version originale.

Hordubal est le nom de famille du personnage principal. Sa voix nous accompagne tout au long de la première partie, donc plus de deux tiers du livre. Juraj Hordubal rentre d’Amérique, où il a travaillé pendant 8 ans dans les mines de charbon, pour rejoindre sa femme et sa fille. Dès les premières pages, on comprend bien son caractère. Optimiste, voire naïf, inoffensif, travailleur… Dans le train, sur le chemin de retour, il éprouve une joie enfantine à l’idée de retrouver sa terre natale en Ruthénie subcarpathique, qui faisait partie à l’époque de la Première République Tchécoslovaque, mais aussi sa femme, persuadé que sa Polana l’attend patiemment. Il pense continuer tout simplement là où sa vie s’est interrompue il y a des années…

Dans cette première partie, on suit les pensées intérieures de Hordubal. Son côté soi-disant mondain de quelqu’un qui a vu le monde, avec quelques mots anglais. Ses retrouvailles avec sa terre et ses racines après des années de mal du pays, admirablement décrites par Čapek grâce à son vocabulaire riche : ce sont mes parties préférées. Son incompréhension devant l’accueil froid de sa femme…

Comme vous vous en doutez, Polana n’a pas attendu son époux (comme ni l’un ni l’autre ne savait écrire, elle l’a peut-être même cru mort) et a désormais une liaison avec un jeune valet de ferme, Stepan Manya. Juraj et Stepan, à l’image de leur chevaux, sont complétement opposés. Juraj, lent, docile, fidèle, tel un cheval hongre effectuant le travail quotidien. Stepan, comme un étalon, sanguin, avide, plein de tempérament. Vous pouvez d’ailleurs voir les acteurs du film de Martin Fric (1937) plus haut sur la photo sur la couverture de l’édition tchèque ; elles en disent beaucoup.

Le conflit entre Juraj, Stepan et Polana finira par un meurtre. Dans les deux parties suivantes, très courtes, qui traitent respectivement de l’enquête et du procès au tribunal, Čapek (qui a fait des études de philosophie), en fin observateur, nous montre la divergence des points de vue sur une réalité et pose des questions sur la recherche d’une seule vérité et sur les jugements. Comme toujours, son livre est d’une grande richesse linguistique et empreint d’humanisme et d’empathie.

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Hordubal, de Karel Čapek, traduit du tchèque par Michel-Léon Hirch. Editions L’âge d’homme, 2001, 180 pages.

sur la photo : Hordubal de Karel Čapek, Academia, 2009.

Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.

22 réflexions sur “Karel Čapek – Hordubal

  1. laboucheaoreille 20 mars 2021 / 09:04

    La guerre des salamandres du même auteur m’avait beaucoup plu ! Ce roman-ci a l’air dans un style très différent, plus réaliste. Mais s’il n’a pas été réédité en français ça ne doit pas être facile de le trouver.

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    • Eva 20 mars 2021 / 09:10

      N’hésite pas si tu le vois quelque part. Il est sorti après 2000, un des tomes même en 2009 je pense.

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  2. luocine 20 mars 2021 / 14:20

    Je ne connais pas le mot noétique . Depuis l’année du jardinier » haï envie de tout lire de cet auteur. Juste une question tu lis le tchèque ?

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    • Eva 22 mars 2021 / 17:10

      En tchèque, on désigne comme noétiques ces œuvres où Capek se penche sur les questions de la connaissance et de la pensée. C’est le cas de cette trilogie et puis aussi La vie et l’œuvre du compositeur Foltyn. J’avoue qu’après avoir trouvé ce mot dans le Larousse, je l’ai utilisé sans trop me poser de questions.:-)
      Le tchèque est ma langue maternelle.
      Le registre de Capek est tellement large qu’il y a beaucoup de choses à découvrir !

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  3. Eve-Yeshé 20 mars 2021 / 14:41

    je ne connais pas cette trilogie … Donc noté
    je n’ai pas encore commencé à lire ses livres, j’en ai 2 en attente « l’empreinte » et « La mort d’Archimède » que j’ai trouvés sur le site de littérature slave donc lequel je pioche beaucoup

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    • Eva 22 mars 2021 / 17:10

      Dans l’œuvre de Capek, il y en a un peu pour tout le monde ! Des romans utopiques, philosophie, totalitarisme, du journalisme, des livres pour les enfants… 😉

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  4. allylit 21 mars 2021 / 16:33

    Je me note cette trilogie ! Après avoir aimé « la guerre des Salamandres », il faut absolument que je poursuive ma découverte de cet auteur !

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    • Eva 22 mars 2021 / 17:10

      Il y a beaucoup à découvrir chez Capek et je pense que la plupart de ses livres sont traduits. Tu seras peut-être surtout intéressée par ses livres utopiques ?

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      • allylit 28 mars 2021 / 16:09

        C’est vrai que j’avais déjà repéré la fabrique d’absolu

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  5. Passage à l'Est! 21 mars 2021 / 16:37

    Je ne connaissais pas ce livre mais ta description me tente beaucoup. Dommage que les éditions L’âge d’homme n’existent plus. Moi aussi, je vais voir si je peux me le procurer (mais pas en VO!).

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    • Eva 22 mars 2021 / 17:11

      Ah, je ne savais pas que cette maison d’édition n’existait plus… Dommage. J’imagine que tu opteras pour la version hongroise ?

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      • Passage à l'Est! 22 mars 2021 / 19:08

        Je me corrige, parce que j’ai écrit mon commentaire trop vite: la maison existe toujours, mais je crois qu’elle a beaucoup réorienté son catalogue après le décès du fondateur. Donc pour moi, avec ma petite optique centre-européenne, elle n’est plus vraiment une maison que je suis de près.
        Bonne idée, Hordubal en hongrois, car je viens de voir qu’il existe un exemplaire (réédition en 1968 de la traduction de 1935) dans ma bibliothèque de référence. Mais d’abord, je me dois de lire Poláček en hongrois!

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  6. PatiVore 21 mars 2021 / 23:10

    Oh, j’ai aussi publié sur Karel Čapek;) Effectivement je ne connaissais pas cette trilogie, à découvrir donc 😉

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    • Eva 22 mars 2021 / 17:11

      Je suis un peu en retard avec ma tournée sur les autres blogs, mais j’y viendrai bientôt ! 🙂

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    • Eva 22 mars 2021 / 17:12

      Comme je l’explique plus haut à Luocine, ce sont ces œuvres de Capek qui parlent de la connaissance et de la pensée. Sûrement pas une traduction heureuse 🙂

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  7. Tania 22 mars 2021 / 17:43

    Je me rappelle le nom de l’auteur, ayant noté « L’année du jardinier » dans ma liste et ne l’ayant jamais lu finalement.

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